L’emploi au Sénégal : la bataille quotidienne d’une jeunesse en quête d’avenir

L’emploi au Sénégal : la bataille quotidienne d’une jeunesse en quête d’avenir

Avec plus de 17 millions d’habitants, dont près de 65 % ont moins de 25 ans, le Sénégal fait face à un paradoxe : une jeunesse pleine d’énergie, d’ambitions et d’idées, mais confrontée à un marché du travail saturé et souvent injuste.
Dans les quartiers de Dakar, Thiès ou Ziguinchor, les discussions tournent souvent autour d’une même phrase : « Gagner un vrai travail, c’est presque impossible. »

Le chômage des jeunes reste l’un des défis majeurs du pays. Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), près d’un jeune sur quatre est sans emploi ou sous-employé. La majorité survit grâce à de petits boulots informels : vente de téléphones, transport, mécanique, restauration de rue, coiffure, ou encore travail dans les “call centers” du numérique.


Le poids du secteur informel : entre débrouille et précarité

Le secteur informel demeure la principale porte de sortie pour des millions de Sénégalais. Il représente plus de 90 % des emplois. On y trouve de tout : chauffeurs de moto-taxi, vendeuses de marché, tailleurs, commerçants ambulants, artisans…
Mais cette économie populaire, bien que vitale, reste fragile : absence de contrat, pas de couverture sociale, revenus instables. Beaucoup d’acteurs se considèrent comme des “entrepreneurs de survie”.

Le sociologue sénégalais Pape Demba Cissé résume bien la situation :

“L’informel, c’est la preuve que les Sénégalais ne sont pas paresseux. Ils veulent travailler, mais le système ne leur offre pas de cadre sûr.”


Les diplômés aussi dans la galère

Le paradoxe le plus visible se trouve chez les jeunes diplômés. Malgré leurs études, beaucoup peinent à trouver un emploi stable. Les concours publics sont rares et très compétitifs, tandis que le secteur privé n’absorbe qu’une petite fraction des nouveaux arrivants.

Des milliers de jeunes titulaires de master ou de licence se retrouvent à exercer des métiers sans lien avec leur formation : livreur, agent commercial, ou vendeur en ligne.
Certains finissent par émigrer vers l’Europe ou les pays du Golfe, en quête d’un avenir meilleur, souvent au péril de leur vie.


Des programmes publics aux résultats mitigés

L’État sénégalais a lancé plusieurs programmes pour tenter d’endiguer le chômage, notamment :

  • Xëyu Ndaw Ñi, un vaste plan d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes ;
  • DER/FJ, la Délégation à l’entrepreneuriat rapide, qui accorde des financements et des formations ;
  • ANPEJ, l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes, qui met en relation les entreprises et les chercheurs d’emploi.

Ces initiatives ont permis à certains jeunes de créer des petites entreprises, mais leur impact global reste limité. Le principal frein demeure le manque de suivi, la lourdeur administrative et le manque de transparence dans l’attribution des financements.


Les secteurs qui recrutent malgré tout

Malgré les difficultés, certains domaines offrent de vraies perspectives :

  • Le numérique : développement web, graphisme, marketing digital, cybersécurité, freelancing…
  • L’agriculture modernisée : production bio, transformation agroalimentaire, logistique agricole.
  • Les énergies renouvelables : solaire, éolien, installation et maintenance.
  • Le transport et la logistique, notamment avec le développement du BRT et du TER.
  • L’artisanat et la mode, portés par les réseaux sociaux et les marchés locaux.

Ces secteurs, souvent portés par des jeunes entrepreneurs, illustrent une nouvelle dynamique : celle d’une génération qui ne veut plus attendre un emploi, mais le créer elle-même.


Les femmes, piliers silencieux de l’économie

Les femmes sénégalaises sont au cœur de l’économie informelle. Qu’elles soient transformatrices de produits locaux, commerçantes ou restauratrices, elles assurent souvent la survie de leurs familles.
Cependant, elles restent confrontées à de nombreux obstacles : accès limité au crédit, faible alphabétisation financière, et contraintes sociales.

Des associations et ONG comme ENDA, U-IMCEC ou Baobab+ tentent d’y remédier en finançant des projets féminins et en offrant des formations en gestion.


L’ombre de l’émigration : un rêve persistant

Faute d’opportunités, beaucoup de jeunes Sénégalais considèrent encore l’émigration comme la seule solution.
Le phénomène des “Barça ou Barsakh” (“Barcelone ou la mort”) reste profondément ancré dans les mentalités. Les départs clandestins vers l’Espagne ou l’Italie se poursuivent malgré les risques.
Pour beaucoup, la migration n’est plus seulement économique, mais symbolique : une quête de dignité et de reconnaissance sociale.


Vers une nouvelle vision de l’emploi

Le Sénégal est à un tournant. Pour sortir durablement du chômage de masse, il ne suffit pas de créer des programmes ; il faut changer de paradigme :

  • Adapter le système éducatif aux besoins réels du marché.
  • Encourager l’innovation et la créativité dès le secondaire.
  • Soutenir les petites entreprises locales par des mesures fiscales adaptées.
  • Décentraliser les opportunités économiques vers les régions.

Les initiatives privées se multiplient : incubateurs, espaces de coworking, programmes de mentorat, formations en ligne. Ces structures – souvent dirigées par des jeunes – incarnent une nouvelle mentalité : celle de l’autonomie et du mérite.


Un avenir à construire ensemble

L’emploi au Sénégal ne se résume pas à des statistiques, mais à des histoires humaines.
Celle de Khady, 28 ans, diplômée en économie, qui a ouvert sa boutique de mode à Kaolack grâce à un microcrédit.
Celle de Moustapha, technicien solaire à Saint-Louis, qui forme aujourd’hui d’autres jeunes.
Celle de milliers d’anonymes qui refusent de baisser les bras.

Le futur de l’emploi au Sénégal dépendra de la capacité du pays à transformer cette énergie en opportunité.
Et cela ne passera pas seulement par les politiques publiques, mais aussi par une prise de conscience collective : investir dans la jeunesse, c’est préparer la prospérité de demain.

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