I. Contexte général
Le Sénégal est un pays d’Afrique de l’Ouest qui connaît une forte croissance démographique. Une grande part de sa population est jeune, ce qui représente à la fois un atout (potentiel de main-d’œuvre, dynamisme, innovation) et un défi considérable en termes d’emploi. Dans ce contexte, la capacité de l’économie nationale à créer des emplois durables, décents et adaptés aux compétences est un enjeu crucial pour la stabilité sociale, la réduction de la pauvreté et le développement.
II. Chiffres récents : évolution du chômage et de l’emploi
Voici les données les plus récentes disponibles (2024-2025) qui donnent une image assez précise de l’état du marché du travail au Sénégal.
| Indicateur | Valeur récente / tendance | Remarques |
|---|---|---|
| Taux d’emploi (portion de la population en âge de travailler ayant un emploi) | ~ 41,7 % au deuxième trimestre 2025, en légère augmentation par rapport à la même période en 2024 (40,8 %). Leral.net – Sénégal+1 | Le taux est plus élevé en zone urbaine (≈ 45,3 %) qu’en zone rurale (~ 36,1 %). Leral.net – Sénégal+1 |
| Taux de chômage élargi | 20,3 % au 3ᵉ trimestre 2024. Agence Ecofin+2Xibaaru+2 | Ce taux prend en compte non seulement ceux sans emploi mais aussi ceux en sous-emploi ou ayant des emplois précaires. Agence Ecofin |
| Chômage au sens strict (selon le BIT) | Environ 5,3 % au T3-2024. Agence Ecofin+1 | Beaucoup plus faible, mais reflète une définition plus restrictive. |
| Participation au marché du travail | Environ 56 % des personnes âgées de 15 ans ou plus au T2-2025. patriote.sn+1 | Ce taux varie nettement selon l’âge, le genre, et la zone géographique. |
| Inégalités selon genre et zone | Le taux d’emploi et de chômage diffèrent fortement entre hommes et femmes, et entre zones rurales et urbaines. Leral.net – Sénégal+1 |
III. Caractéristiques structurelles et défis majeurs
1. Le secteur informel domine
- Créations d’emploi : Le secteur informel génère environ 97 % des créations d’emplois au Sénégal. Sénégal Services
- Poids dans l’emploi global : Entre 90 % et 95 % des actifs travaillent dans l’informel. Sénégal Services
- Problème de revenu et conditions : Ces emplois sont souvent précaires, moins bien rémunérés, peu ou pas de protection sociale, peu de régulation. Beaucoup de travailleurs informels n’ont pas le choix : faute d’opportunités dans le formel, ils “se réfugient” dans l’informel. Sénégal Services
2. Les jeunes et les femmes particulièrement vulnérables
- Jeunes : Taux de chômage élevé, difficultés d’insertion, souvent en attente de premier emploi. Taux de participation plus faible. patriote.sn+1
- Femmes : Moins présentes sur le marché du travail, emploi souvent plus précaire, plus souvent dans l’auto-emploi ou les activités informelles. Leral.net – Sénégal+1
3. Disparité géographique
- Le taux d’emploi, de chômage et de participation diffèrent selon que l’on soit en zone rurale ou urbaine. En rural, souvent plus de sous-emploi, plus d’activités informelles, mais aussi parfois moins accès aux formations qualifiantes ou aux infrastructures. Leral.net – Sénégal+2patriote.sn+2
4. Formation et adéquation compétences-emploi
- Beaucoup de jeunes sont diplômés ou ont une formation, mais il y a souvent inadéquation entre les compétences acquises et les besoins du marché du travail. Certains programmes de formation ne sont pas alignés avec les secteurs porteurs ou les nouvelles technologies. Revues IMIST
- Aussi, les jeunes estiment parfois que les programmes publics ne sont pas accessibles ou qu’ils ne pourront pas en bénéficier, ce qui réduit leur participation. Revues IMIST
5. Emploi salarié vs travail indépendant
- Le travail salarié progresse, mais beaucoup restent “à leur compte”, travailleurs autonomes, ou dans des formes d’emploi informel. RTS Officiel+1
- Le salariat tend à être concentré en milieu urbain, et chez les hommes plus que chez les femmes. Leral.net – Sénégal+1
IV. Les politiques publiques et les initiatives pour remédier à la situation
Programmes gouvernementaux
- Xëyu Ndaw Ñi : Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socioéconomique des jeunes, initié en 2021. Il vise l’apprentissage, la formation professionnelle, l’emploi, l’auto-emploi, l’entrepreneuriat, etc. Doté d’un budget significatif (450 milliards FCFA pour 3 ans), il prévoit des recrutements spéciaux, des emplois-aidés, etc. jeunesse.gouv.sn
- D’autres initiatives via l’État-Employeur, subventions, projets publics d’intérêt communautaire, etc. (souvent dans le cadre des politiques nationales de formation, de réduction du chômage, etc.) jeunesse.gouv.sn
Institutions et partenaires
- Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) : production de données fiables, fondamentales pour suivre l’évolution de l’emploi et du chômage.
- Partenariats avec la Banque mondiale, des ONG, des bailleurs de fonds pour financer des projets d’insertion, d’appui aux petites entreprises, à l’entrepreneuriat, etc.
- Programmes de formation professionnelle, parfois avec des secteurs spécifiques (numérique, agriculture, commerce, etc.)
V. Ce qui a évolué récemment
- Le taux d’emploi est en légère progression au T2-2025 comparé à T2-2024. Leral.net – Sénégal+1
- Le chômage élargi a légèrement baissé aussi dans certaines périodes récentes (ex : T2-2025 vs T2-2024) selon certaines enquêtes. patriote.sn
- Mais globalement, la tendance reste marquée par la persistance d’un chômage élevé, d’inégalités fortes selon sexe, âge, zone géographique, et le poids massif de l’emploi informel.
VI. Les défis structuraux à surmonter
Voici quelques-uns des principaux obstacles que le Sénégal doit affronter pour améliorer significativement son offre d’emploi de qualité :
- Transformation du secteur informel : Formalisation, sécurisation des travailleurs, meilleures conditions, accès à la protection sociale.
- Amélioration de la qualité de la formation : Assurer que la formation professionnelle et universitaire réponde aux besoins du marché du travail (technologies, compétences digitales, etc.).
- Renforcement de l’entrepreneuriat : Soutien à la création d’entreprise (financement, accompagnement, infrastructure, mentorat), surtout pour les jeunes et les femmes.
- Infrastructures et connectivité : Zones rurales souvent défavorisées ; nécessité d’investir dans les routes, l’électricité, Internet pour permettre l’essor des activités productives hors des grandes villes.
- Politiques de genre ciblées : Encourager l’inclusion des femmes dans l’emploi formel, réduire les barrières culturelles, d’accès à la formation ou au financement.
- Stabilité macro-économique et financement : Le budget de l’État, les investissements publics, l’aide extérieure, etc., doivent permettre de soutenir les programmes de développement de l’emploi.
VII. Perspectives et opportunités
Malgré les nombreux défis, il existe plusieurs pistes prometteuses :
- Numérique et technologies de l’information : Ces secteurs peuvent créer des emplois relativement rapidement, avec des barrières à l’entrée moindres si la connectivité est bonne. Les compétences en informatique, codage, maintenance, services numériques sont de plus en plus demandées.
- Agriculture moderne et agro-industrie : Le Sénégal dispose de ressources naturelles, d’un climat favorable dans plusieurs régions. La modernisation, la transformation locale des produits agricoles, la chaîne de valeur peuvent générer des emplois mieux rémunérés et plus durables.
- Énergies renouvelables : Avec les enjeux climatiques et la transition énergétique, des opportunités dans le solaire, l’éolien, l’efficacité énergétique, etc.
- Tourisme et économie culturelle : Le patrimoine culturel, le tourisme domestique ou international peuvent être des leviers, si les infrastructures et la promotion sont bien gérées.
- Économie verte, services sociaux : La santé, l’éducation, les services publics, etc., sont des secteurs dans lesquels il y aura toujours besoin de main-d’œuvre. L’accès à des emplois publics ou subventionnés ou dans le secteur associatif peut constituer des options.
VIII. Recommandations
Pour que les politiques actuelles soient plus efficaces et l’emploi sénégalais évolue positivement, voici quelques recommandations :
- Renforcement de la collecte de données et analyses régulières, pour bien cibler les interventions selon les régions, les secteurs, les populations (jeunes, femmes, ruraux).
- Aligner formation et besoins réels du marché du travail, avec consultation des entreprises, prévoir des filières nouvelles (numérique, technologies, transitions écologique).
- Faciliter l’accès au financement pour les PME/entrepreneurs, notamment les jeunes et les femmes, via micro-crédit, incubateurs, incubateurs régionaux, subventions conditionnelles.
- Encourager la formalisation du secteur informel, sans écraser les acteurs : par des incitations fiscales, des micro-réglementations adaptées, des services de base, afin que les travailleurs informels puissent à la fois sécuriser leur travail et accéder à des droits.
- Favoriser les emplois de qualité, pas seulement la quantité : salaires décents, protection sociale, stabilité, conditions de travail sûres.
- Décentraliser les opportunités : investir dans les zones rurales et les petites villes, améliorer infrastructures de base, pour déconcentrer les emplois, éviter que toute l’attraction soit seulement pour Dakar ou grandes villes.
- Politiques inclusives de genre, pour éliminer les barrières sociales, culturelles, économiques à l’emploi des femmes.
- Suivi et évaluation des programmes existants, pour savoir ce qui fonctionne, ce qui doit être ajusté ou abandonné.
IX. Conclusion
Le Sénégal a probablement devant lui une génération cruciale. Le potentiel est réel : une jeunesse nombreuse, des progrès dans l’éducation, des efforts politiques significatifs, un tissu économique qui commence à diversifier ses activités. Toutefois, l’emploi reste un défi de taille : chômage élevé, informel très puissant, disparités sociales et géographiques, inadéquation entre formation et marché du travail.
La vraie réussite ne sera pas seulement dans le fait de créer des emplois, mais dans la qualité de ces emplois : qu’ils soient durables, bien rémunérés, sécurisés, et accessibles à tous (jeunes, femmes, zones rurales). Si le Sénégal parvient à accélérer dans cette direction, il pourrait transformer ses défis actuels en avantages compétitifs – pour ses citoyens, mais aussi dans un contexte continental africain en pleine mutation.

